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Dossier : Tout savoir sur l'assurance Kidnapping et Rançon (K&R) dans le transport maritime

[Par Prudent Blanchard, © Flux Africa ]

Retour en 2019. Après trente- cinq jours de captivité, les neuf marins, otages du navire MV Bonita enlevés dans les eaux territoriales du Bénin, ont été libérés le 6 décembre au Nigéria selon l’armateur norvégien JJ Ugland, propriétaire du navire. Les circonstances de cette libération n’ont pas été rapportées. Un silence répondant à la loi de l’omerta qui entoure le processus de négociation avec les ravisseurs, qui aboutit le plus souvent à la libération des otages contre rançon.


Le transport maritime a été de tout temps confronté au phénomène de la piraterie. Pour preuve dans l’antiquité le grand Jules César a été la cible des pirates, capturé à hauteur de l’île Pharmacuse, à proximité de la ville de Milet en Asie Mineure, il fut libéré contre rançon.


L'homme, plus rentable que les marchandises

La recrudescence des actes de piraterie maritime, s’est accrue ces dernières décennies à travers les mers, et océans de certaines régions maritimes considérées par le Bureau Maritime International comme dangereuses pour le transport maritime. Le phénomène de la piraterie a été pendant longtemps observé dans la mer du détroit de Malacca en Indonésie, en mer de Chine méridionale, dans le golfe de Bengale, dans les eaux de l’Amérique centrale et des caraïbes, la mer rouge. Le golfe d’Aden ainsi que les côtes somaliennes ont connu les affres de ce phénomène dans les années 2000 avec un pic entre 2008 et 2009. C’est désormais le golfe de Guinée qui fait le lit à l’insécurité maritime. Une piraterie caractérisée par une violence extrême sur les membres de l’équipage, avec des flibustiers des temps modernes lourdement armés qui s’attaquent aux navires marchands traversant les eaux de cette région.


Le commerce maritime a pour corollaire la piraterie, et le Bureau Maritime International a identifié deux types d’attaques qui entravent la navigation maritime. L’attaque classique qui consiste pour les écumeurs à monter à bord des navires, à maîtriser l’équipage pour voler les effets personnels et le contenu du coffre. La seconde plus élaborée, œuvre des groupes criminels utilisant des moyens modernes, des vedettes rapides et disposant d’un armement lourd pour commettre leurs forfaits. Ils ciblent principalement les cargaisons à haute valeur ajoutée, les produits pétroliers, le brut ou le raffiné, tous produits facilement vendables sur le marché noir. Mais ce qui rapporte plus pour ces criminels des mers c’est le kidnapping des membres de l’équipage pour des rançons.


Face à la multiplication des actes de piraterie, l’industrie maritime a opté pour dans un premier temps, le contournement des routes maritimes dangereuses. Un choix vite abandonné face aux surcoûts qu’engendrent ces traversés plus longues. Pour la protection de la cargaison et de leurs armements face à l’inefficacité des actions de sécurité des Etats en mer, les compagnies maritimes se tournent progressivement vers les sociétés militaires privées de sécurité en mer. Des gardes de sécurité privée à bord des navires, pour assurer la sécurité du navire et de la cargaison pour les traversées de zones dangereuses. D’autres compagnies maritimes optent pour une protection avec escorte pour les traversées, certaines de ces sociétés militaires privées ont acquis des patrouilleurs auprès de la marine américaine pour leurs opérations de sécurité.


L’évolution exponentielle des attaques des pirates dans les zones maritimes définies dangereuses par le BMI suivie de kidnapping de l’équipage pour rançon a amené la Lloyd’s de Londres première bourse d’assurance au monde à élaborer en 2008, un nouveau produit le kidnap and ransom (K&R), l’assurance anti-pirate. L’assurance K&R répond mieux aux risques que font peser les menaces de la piraterie sur le commerce maritime. Une assurance qui s'adresse donc aux compagnies maritimes dont les navires empruntent les zones maritimes dangereuses où prolifèrent les pirates des mers, mais aussi aux sociétés pétrolières, et aux firmes internationales qui ont du personnel éparpillé aux quatre coins du globe. Les armateurs souscrivent ce type d’assurance qui s’adapte aux risques maritimes et l’explosion des rançons exigées par ces écumeurs des mers qui sont devenus par la force de leurs actions des ravisseurs des mers.


L’assurance K&R couvre non seulement le paiement de la rançon, mais aussi les frais annexes (prise en charge psychologique, le rapatriement des ex otages, les frais de transport de la rançon, perte de revenus ou d’exploitation très pertinent pour le détournement de biens), et surtout l’ensemble des frais et honoraires du consultant chargé de négocier avec les pirates. L’assurance prend en charge tous les frais engendrés par le kidnapping. La particularité de la police K&R, c’est que cette couverture inclut un accès à des consultants spécialisés en gestion de crise et de situation de kidnapping. Le consultant est un expert en sécurité, généralement un ex-militaire ou un ancien espion chargé de négocier avec les pirates.


L’assureur travaille en règle générale pour les polices (K&R) avec des consultants, qui sont soit des sociétés ou des cabinets indépendants de sécurité spécialisés dans la gestion des crises et de kidnapping. Interface de choix de l’assureur auprès de l’assuré, il conseille celui-ci sur les méthodes et stratégies à mettre en place pour réduire les risques d’attaques de pirates. Offre des formations spécifiques sur la gestion de la sécurité aux agents de la compagnie maritime, et est aux côtés de cette dernière en cas de crise. Le consultant gère avec l’assuré l’intégralité de la crise pour le compte de la compagnie d’assurance. L’accès à cette expertise est primordiale pour l’assuré en cas de crise et du déroulé des négociations en vue de la libération des otages.




Pour les négociations avec les pirates c’est toujours l’armateur qui négocie directement avec ces délinquants des mers, suivant les conseils et l’encadrement des consultants. Il informe l’assureur de l’issue des négociations, seul responsable de la sécurité de ses agents, il paie le montant de la rançon reçue de l’assureur dont le travail est de couvrir l’assuré. De l’issue de ces opérations de négociation et de libération des otages la règle non écrite de silence est observée par toutes les parties prenantes, ce qui garantit dans la plupart des cas la réussite des opérations.


L’assurance (K&R) est dominé par les majors des assurances anglo-saxonnes que sont (Hiscox, AIG, Lloyds, Chubb, XL Catlin ou encore Liberty). Ils détiennent plus de 80 % des parts de marché et s’adressent aux compagnies maritimes qui souhaitent couvrir leurs navires contre les risques de piraterie maritime. Les paramètres de souscription et de tarification sont assez stricts et fluctuent en fonction de la taille et de la vitesse des navires. Assurer un navire contre la piraterie peut coûter entre 0,03 % à 0,1 % de la valeur totale du navire, le montant de la souscription dépend également des zones maritimes traversées, du franc bord (distance verticale entre la ligne de flottaison et le pont principal), et de la vitesse du bateau. Les bateaux de petites tailles et d’une vitesse réduite ou pas assez rapide ne peuvent bénéficier d’une police (K&R). Certains assureurs exigent la présence de garde de sécurité à bord pour faire baisser la prime de la traversée.


Il est établi suivant les statistiques que la rançon ne représente que 25 % du prix global du sinistre, mais le revenu qu’en tire les pirates prouve que derrière ces actes de piraterie, une véritable organisation criminelle, planifie, organise et exécute ces opérations avec la complicité de certains fonctionnaires corrompus. Ces organisations criminelles disposent en amont de sources d’informations sur la localisation des navires, et en aval d’un accès à des réseaux de blanchiment pour absorber les devises reçues en paiement des rançons.


La piraterie est un problème pour la navigation maritime dont les solutions pour endiguer de façon durable sont à terre. L’assurance (K&R), assurance anti-pirate qui couvre l’armateur et la cargaison n’alimente-elle pas plutôt les groupes terroristes qui utilisent ces enlèvements pour financer leurs activités ? Question somme toute intéressante d’autant plus que ces pirates ne manquent pas de frapper dans le golfe de Guinée, à quelques centaines de milles marins des côtes, avec désormais une mutiplication des kidnappings, et pour quelle fin? Y répondre se résumerait à dévoiler un secret de polichinelle.



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Prudent Blanchard - Contributeur invité.

Encadrement éditorial: Gabriel SOUNOUVOU

Passionné d'écriture, Prudent Blanchard, titulaire d'un Master en droit maritime et des transports est une fine plume en pleine éclosion. Ancien cadre du ministère de l'économie maritime du Bénin, et d'une compagnie de grande distribution , il dirige depuis quelques années maintenant une structure d'affrètement implantée en République du Bénin.


Notes:


Flux Africa:


Histoire du Monde :

https://www.histoiredumonde.net/pirate

Libération.fr


Jeune Afrique :


Le Parisien.fr

http://www.leparisien.fr/economie/enlevements-quand-les-assureurs-paient-la-rancon-04-11-2017-7371846.php

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