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Analyse/Dossier : Les ports secs en Afrique de l’Ouest entre défis, attentes et espoir

[Par Prudent Blanchard - Contributeur invité]

Le dynamisme du commerce international et l’interconnexion des économies a mis en exergue en Afrique de l’Ouest, au début des années 2000, la question de la congestion des ports maritimes, une saturation des corridors et un encombrement des villes portuaires, toutes choses qui influent sur le coût des marchandises. Dans la perspective de fluidifier le trafic autour et à l’intérieur des ports, les États se sont penchés sur la solution logistique de construire des ports secs à disséminer le long des corridors afin de réduire et optimiser les coûts.


Port Sec de Bobo Dioulasso
Port Sec de Bobo Dioulasso

Le phénomène de congestion des ports s’est accentué dans la région avec la progression constante du trafic conteneurisé. Le cabinet néerlandais Dynamar estime, dans la 5e édition de son étude sur l’activité des conteneurs en Afrique de l’Ouest, que la région ouest-africaine est sur le point de parvenir à maturité sur le trafic conteneur. Selon les auteurs, les volumes conteneurs devraient atteindre 4,3 millions d’EVP d’ici 2021, grâce à un taux de croissance annuel estimé à 5 %. Le rapport souligne qu’en 2018, le Port de Lomé a enregistré un trafic conteneur de 1 193 800 EVP et le port de Lagos a atteint 1.050.000 EVP. Cette hausse du trafic conteneur dans la région jette la lumière sur les lourds investissements consentis par les responsables à divers niveaux pour rendre compétitifs les différents ports dans un environnement concurrentiel élevé. Dans un tel contexte, fluidifier le trafic dans le but de répondre aux exigences de performances imposées par le marché, se résout à travers la réalisation de plateformes logistiques multifonctions.


Mais qu’est-ce qu’un port sec?


Un port sec (ou dry port) est, par définition, un terminal intermodal directement connecté par route ou chemin de fer à un port maritime, et fonctionnant comme un centre de transbordement de cargaisons maritimes vers des destinations à l’intérieur des terres. Ces dernières années, l’Afrique de l’Ouest connaît un regain d’intérêt pour la construction de ce type d’installations logistiques. Cette politique de construction de ports secs s’explique par des facteurs géostratégiques : rapprocher le service logistique des pays de l’hinterland, créer de nouveaux hubs logistiques, désengorger les ports maritimes, voire créer et développer de nouveaux marchés.



Le même phénomène s’observe depuis peu au niveau des pays sans façade maritime, avec la construction de ports secs pour répondre aux nouvelles exigences du marché local et régional. Un choix tout à fait pertinent, eu égard à la transformation accélérée et soutenue des économies de ces pays. Cette nouvelle vision logistique est portée, voire impulsée, par le commerce sous toutes ses formes, de l’importation des produits de grande consommation à l’exportation des matières premières et autres produits sur le marché international.



Ainsi, un port sec est une plateforme logistique installée sur un corridor de transit, pour jouer un rôle tampon entre le port maritime et la destination finale de la marchandise. Autrement dit, il s’agit d’une installation servant de passerelle de transbordement et de regroupement des marchandises sous douane pour les pays de l’hinterland. Un port sec est généralement doté d’équipements fixes et mobiles pour la manutention des marchandises (aussi bien à l’importation qu’à l’exportation) quel que soit le mode de conditionnement.



Ces ports spécialisés disposent de terminaux multimodaux pour la réception et la distribution des marchandises par transport combiné, rail-route. En dehors du rôle tampon qu’ils jouent, ils assurent également le stockage des marchandises, le stockage et l’entretien des conteneurs pleins ou vides, et offrent la possibilité d’accomplir les formalités administratives et douanières afin de réduire le séjour des marchandises au port maritime. Dans certains cas, une bourse de fret et un parc de regroupements gros porteurs complètent le dispositif ; ils sont installés en dehors du périmètre portuaire pour la gestion du fret et les mouvements des camions à l’intérieur du port sec. C’est le cas du port sec de Parakou au Bénin.


Les ports secs en Afrique de l’Ouest


La politique de décongestionnement entreprise par le Bénin à travers le port de Cotonou, en vue de fluidifier le trafic et baisser les coûts des marchandises, a conduit à la construction, en République du Bénin, de ports secs sur l’ensemble des corridors desservis. La stratégie nationale a, dans cette perspective, prévu la construction de ports secs : i) à Ségbana pour desservir le nord du Nigéria et le Tchad, ii) à Porga pour alimenter le Burkina-Faso et le Mali (celui-ci à vocation d’hydrocarbures), iii) au sud-est vers Djèrègbé pour desservir le sud du Nigéria et iv) à Tori. Le port sec de Tori a été remplacé par celui d’Allada, fonctionnel et opérationnel, qui concentre les marchandises en direction de l’hinterland. Puis, il y a le port sec de Parakou qui reste toujours non opérationnel et ce, malgré le fait que l’adjudicataire PIC Network International a achevé les travaux de construction et reçu l'agrément depuis le début du second semestre 2019. Le plan prévoyait également la construction d’un port sec au Sud-Est à Djrégbé au Sud-Est pour desservir le Nigéria, puis un autre à Tori finalement substitué par celui de Allada. Ce dernier opérationnel et fonctionnel depuis quelques années, concentre les marchandises en transit vers l’hinterland via le port de Cotonou.


Entrée du Port Sec de Bobo-Dioulasso

Conscients de ce que le port sec est un outil déterminant de la chaîne logistique, d’autres pays côtiers à l’instar du Bénin se sont lancés dans la construction de plateformes multifonctions en vue de réduire et d’optimiser les coûts logistiques. En Côte d’Ivoire, le groupe Bolloré poursuit l’aménagement d’un projet de port sec d’envergure au PK 28. Le Togo, quant à lui, envisage la construction d’une plateforme multiservice à Adakpamé à l’Est de Lomé, pour décongestionner son port et accélérer le traitement des marchandises. Plus au Nord à Cinkassé, ville frontalière, les autorités togolaises prévoient la construction sur 100 hectares d’un port sec pour desservir le Burkina Faso, le Niger, le Ghana et le Nord du Nigéria.


D’autre part, les pays sans façade maritime se sont aussi lancés dans des initiatives semblables à celle des pays côtiers. On peut, à cet effet, mentionner la construction au Burkina-Faso du port sec multifonctions « Boborinter » de Bobo Dioulasso. Essentiellement desservie par le port d’Abidjan au moyen d’une liaison ferroviaire, cette plateforme a permis au pays d’attirer une partie du commerce régional.

Le Mali, pour sa part, entend ériger sur un espace de 1.000 hectares une plateforme multimodale équipée de dépôts à conteneurs, d’entrepôts et d’une large zone de stationnement pour camion. Le projet, dont le démarrage des travaux est prévu pour 2019, sera porté par le groupe Émirati DP Word et le futur port sec de Bamako sera entièrement alimenté par le port de Dakar.

Pour finir, le Niger envisage la construction d’un port sec à Dosso, mais ce projet est handicapé par le projet de boucle ferroviaire encore en souffrance.


L’Afrique de l’Ouest est l’une des zones où la croissance économique tend à être constante ces dernières années. Son dynamisme économique s’explique par les échanges commerciaux qu’elle entretient autant avec les autres pays du continent qu’avec le reste du monde. Les ports maritimes, portes privilégiées des échanges, arrivent, même avec les travaux de rénovation, à saturation. La congestion qui en découle amène les états à mettre en place des processus logistiques pour fluidifier et optimiser les coûts, cette solution réside dans la construction de ports secs.


Ports secs: entre défis, attentes et espoir


Le défi actuel réside dans la connexion entre port maritime et port sec, condition nécessaire et suffisante pour que ce dernier soit opérationnel et agisse efficacement sur les flux. Les rails, alors considérés comme solution de massification des flux, symbolisent aussi ce moyen connexion et peuvent s’ériger en équation difficile sur les corridors, s’ils sont inexistants, embryonnaires ou non fonctionnels. Le port sec de Parakou au Bénin en est la parfaite illustration avec des rails fonctionnels mais pas opérationnels, les rails constituant un frein. Cette incapacité des rails à répondre aux sollicitations des plateformes a conduit le port sec d’Allada à opter pour le transport routier comme modèle de connexion.


PORT SEC MALI Kati

De même que réussir les paris du développement économique et de l’intégration régionale passe par l’harmonisation des leviers logistiques, agir sur les différents axes des échanges commerciaux requiert la construction de véritables plateformes logistiques. Pour être à terme performante, la construction des ports secs doit toutefois inclure la rénovation et/ou construction de rails pour le transport en masse des flux et la réduction des coûts.


Cette politique des ports secs en Afrique de l’Ouest est soutenue par la commission de l’UEMOA, qui a réactivé le 7 novembre dernier le projet de la boucle ferroviaire reliant Abidjan à Lomé en passant par Ouagadougou, Niamey, et Cotonou. La ligne ferroviaire s’étend sur 3034 km, dont 1.946 km à réhabiliter et 1.088 km à construire traversant les principales villes du corridor ouest-africain abritant les installations de ports secs à construire ou existantes.

Au final, il est attendu du tandem port sec-rail qu’il imprime une nouvelle dynamique économique à la région ouest-africaine, favorisant sa compétitivité et son poids dans le commerce international.


[ TOUTE REPRODUCTION INTERDITE SAUF ACCORD ECRIT DE FLUX AFRICA ]


Par Prudent Blanchard - Contributeur invité.

Encadrement Editorial: Gabriel SOUNOUVOU

Passionné d'écriture, Prudent Blanchard, titulaire d'un Master en droit maritime et des transports est une fine plume en pleine éclosion. Ancien cadre du ministère de l'économie maritime du Bénin, et d'une compagnie de grande distribution , il dirige depuis quelques années maintenant une structure d'affrètement implantée en République du Bénin.


Bibliographie et Webographie:

Rapport Final du comité technique chargé d’identifier les sites d’implantation des ports secs au Bénin : (La version papier du rapport).

Version électronique du rapport final Port Sec Parakou, Phase2 (bourse de fret et parking gros porteur).








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